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on entendait la nuit hurler comme une âme en peine [privé]

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Zâel Mahyar
l'ami de la lune
Zâel Mahyar



   
le ciel qui nous écrase
Quand il était plus jeune, sa grand mère lui répétait que la lune brillait plus fort les soirs d'orage. Quand il était plus jeune, il croyait aveuglément sa grand mère alors, lorsque le ciel semblait se déchirer en deux lors des nuits agitées, Zâel regardait la lune, brillante et imperturbable malgré le vacarme.
La lune ne brille pas plus fort les soirs d'orage, ça ne marche pas vraiment comme ça, il l'a compris lorsqu'il est entré au service de l'église. Le jeune adolescent qu'il était à l'époque n'avait pas compris pourquoi sa grand-mère lui avait raconté des salades. Peut-être ne savait elle pas que cette croyance n'était pas vraiment fondée ? Les adultes ne savent pas tout.
C'est lors de l'orage suivant qu'il compris, alors allongé dans son lit, seul, dans la modeste chambre qu'il occupait depuis à peine quelques semaines. Chaque grondement sourd le faisait sursauter, rompant pendant un quart de seconde l'état tétanique dans lequel il était plongé.

Zâel aimait la pluie, légère ou torrentielle, le rythme régulier des gouttes qui s'écrasent sur la première surface rencontrée. Plic, ploc, comme une horloge bien réglée, pas d'imprévu sauf lorsque tout se calme ou tout s'intensifie. Même lorsqu'il pleut des cordes, le chaos est ordonné, la mélodie est rapide, tambourinante mais prévisible.

Il n'y a rien de prévisible avec les orages, aucun rythme, aucune logique, juste l'attente pénible du prochain coup de tonnerre, le cœur qui bat trop vite et qui semble s'arrêter lorsque tout éclate. Zâel n'aime pas les orages, il ne les a jamais vraiment aimés mais il ne l'avait jamais vraiment réalisé jusque là. La lune ne brille pas plus fort en ces soirs là mais la regarder dans l'espoir d'y voir un éclat qui n'est pas là en temps normal aidait à ne pas penser au vacarme qui l'entourait.

C'était une habitude qu'il avait gardée. Zâel restait, de toute manière, éveillé la nuit; qu'il pleuve, qu'il vente, que la nuit soit douce ou assourdissante, Zâel ne dormait pas. Il pouvait donc cacher ses peurs dans la contemplation des astres, ça n'avait rien d'étrange.

C'était ce qu'il faisait ce soir là, assis au balcon intérieur, devant le grand vitrail qui ornait le mur nord de l'église. De là, il avait une vue dégagée sur la lune (qui ne brillait pas bien fort) et sur la rue en contre-bas. Le paysage était un peu déformé par le verre texturé et épais mais il pouvait distinguer les formes connues des bâtiments alentours et les silhouettes fantomatiques des rares passants.

Malgré l'heure tardive, il n'était pas extraordinaire d'apercevoir de la vie dehors. La pluie faisait rage, les courageux qui passaient devant l'église le faisaient tous d'un pas pressé. Tous, sauf une ombre qui se déplaçait doucement, trop doucement pour échapper aux torrents d'eau qui s'abattaient sur Salsabile. Dans la pénombre et à cette distance, Zâel ne pouvait déterminer si la figure qui semblait encapuchonnée était blessée, ralentie par les années ou perdue. Il plissa les yeux, un éclair éclata, illuminant la rue et la silhouette qui se plaqua contre un mur d'un mouvement brusque. Pas ralentie par les années donc. Le tonnerre gronda quelques secondes après la lumière et Zâel descendit de son perchoir.

Relevant la capuche de sa cape pour s'abriter, il poussa la lourde porte principale de l'église et jeta un coup d'œil dans la direction de la silhouette immobile. Peut-être avait elle besoin d'aide ? L'idée de sortir sous la pluie n'enchantait pas le prêtre, il aimait la pluie mais pas forcément être dessous et sa robe trainait dans les flaques mais il se devait quand même de s'assurer que tout aille bien.
Hippolyte Edelweiss
l'éphémère
Hippolyte Edelweiss



   
sueurs froides
Ses phalanges commençaient à blanchir. Agrippée à son arme comme si sa vie en dépendait, Hippolyte avançait avec difficulté sous les trombes d’eau.
La nymphe sursautait à chaque silhouette fantomatique qui se découpait du nuage de pluie. Les sens en alerte, elle humait l’air étouffant du désert rendu plus insupportable encore par l’humidité ambiante. Au-dessus de sa tête, le tonnerre gronde. Replongée dans cette nuit d’horreur, son ventre se tord. Les yeux rivés sur l’obscurité, elle lutte pour ne pas céder à la panique. Le tissu trempé entrave ses mouvements et lui colle à la peau. Devenue elle-même ectoplasme dans la nuit, elle longe les murs. La peur la gagne peu à peu alors que le malström se déchaine. Hippolyte revoit sa mère. Elle revoit les yeux bordés de larme. Le sang. L’orage.

Les rues respiraient. Le vent s’y engouffrait faisant hurler ses courants d’air à travers la ville. Le sable mouillé lui irritait la gorge, vestige des dunes qui bordaient Salsabile. La jeune femme tenta de réprimer les tremblements incessants de ses poignets. Une nouvelle détonation. Le ciel se déchira d’une lumière paranormale. La terreur, saisissante, lui broya les entrailles. Elle était cernée. Paranoïa sous allures d’apocalypse. Son cœur cogna violemment contre sa cage thoracique. Elle était à bout de souffle. Tout autour d’elle, le monde rugissait et se faisait violence.

C’est alors qu’une main inconnue se suspendit dans les ténèbres avant de venir épouser son épaule. Elle se figea. Un frisson de pur effroi lui remonta l’échine. Tout s’enchaina, l’espace d’une expiration. L’électricité qui satura l’atmosphère, pesante. Le cœur qui palpite, frôle l’excès de vitesse. Le temps s’arrête. Dans un réflexe animal, Hippolyte s’empara du bras insolent venu à sa rencontre. Elle se retourna avec une agilité prédatrice et vint plaquer son pauvre assaillant contre le mur.

Le pouls en ébullition, elle se heurta soudainement à son regard. Sans relâcher sa prise contre son torse, elle l’observa de haut en bas, guettant le moindre signe d’hostilité. Pourtant, l’homme qu’elle tenait à bout de bras semblait sincèrement surprit de se retrouver coincé dans une telle position. Il ne ressemblait pas tellement au monstre auquel elle s’attendait.

— Qui êtes-vous ? s’enquit-elle finalement avec prudence.
Zâel Mahyar
l'ami de la lune
Zâel Mahyar



   
les murs qui nous écrasent aussi
Ça ne loupa pas, au contact des premiers torrents d’eau, sa robe de cérémonie, déjà épaisse, s’alourdit un peu plus, collant de manière désagréable contre ses jambes. La silhouette ne semblait pas avoir remarqué sa présence alors, après avoir pesé le pour et le contre, il traversa la rue.
Il s’approcha doucement, les pans de son vêtement absorbant l’eau de la surface sale de la route.    La personne face à lui était presque immobile, animée seulement par une respiration erratique qui semblait faire trembler tout son corps. De froid ? Probable vu le temps. De peur ? Zâel aurait compris aussi.

D’un geste hésitant il approcha sa main. Essayer de parler dans ce vacarme reviendrait à hurler pour tenter de couvrir l’orage et Zâel n’en avait pas vraiment envie. Il avait un peu l’impression d’être devant un animal sauvage qu’il ne fallait pas effrayer d’avantage. Le jeune prêtre avait souvent cette impression avec les gens, il ne savait que très rarement comment s’y prendre.

Sa paume rencontra une épaule un peu tremblante et il n’eut pas le temps de raffermir sa prise que son dos heurta le mur. Ça lui fit le même effet qu’un coup de tonnerre, son coeur sembla s’arrêter dans sa poitrine, comme si lui aussi, était perplexe quant à ce qu’il venait de se passer.

Les yeux écarquillés, des trombes d’eau sur le visage, le mouvement avait fait glisser sa capuche sur l’arrière de son crâne. Le ciel gronda de nouveau, rappelant sa présence à Zâel qui prononça des paroles silencieuses à Zareenah, plus une plainte qu’une prière.

Il y eut un moment de flottement. Tout s’était passé très vite mais la frayeur a de drôles effets sur les gens et sur leur perception du temps. Dans l’espoir de se raccrocher à quelque chose, Zâel chercha le regard de son assaillant dont les mains le plaquaient toujours contre le mur. Il faisait sombre et il avait de l’eau prisonnière entre ses cils mais dans la pénombre, il vit d’abord la méfiance, puis la peur.

Qui êtes vous ?

La situation était désagréable en bien des égards. Il commençait à avoir froid, il ne voyait pas grand chose, tout était bruyant autour de lui et les doigts sur ses épaules étaient tellement crispés que ç’en était presque douloureux. Il n’avait pas vraiment envie de décliner son identité à quelqu’un qui avait lui avait éclaté la colonne vertébrale contre un mur mais il avait envie d’être partout sauf sur la pluie alors il se racla la gorge et, d’une voix qu’il espérait être assez forte pour couvrir le chaos, il déclara :

— Je suis prêtre dans l’église derrière vous.

Il accompagna ses paroles d’un petit mouvement de tête en direction de l’imposant bâtiment puis de sa tenue.

— Je voulais vous proposer de venir vous abriter.

Désormais il avait un peu moins envie de faire preuve de bonté : il avait froid et pour être tout à fait honnête il avait peur, il voulait juste rentrer au chaud et se sécher. Cependant il avait prêté serment d’éclairer les démunis, une jolie métaphore pour désigner ce genre de moment; la personne face à lui avait sans doute froid et peur aussi.
Hippolyte Edelweiss
l'éphémère
Hippolyte Edelweiss



   
à contrecœur
La respiration saccadée par les émotions, elle peinait à garder son calme. Le vacarme de la pluie battant les pavés avait masqué ses pas. Il l’avait prise par surprise, lui faisait frôler l’arrêt cardiaque par la même occasion.
Un prêtre ? Les yeux hantés par ses souvenirs, Hippolyte jeta un coup d’œil par-dessus son épaule dans la direction que l’homme lui indiqua. C’est alors qu’elle la vit, bravant la tempête. L’église. Sa porte de sortie.

La capuche de l’inconnu avait basculé en arrière, découvrant les traits de son visage. Elle plissa les yeux, tentant d’en déceler les contours dans la pénombre. Les bourrasques ne rendaient pas la tâche aisée. L’orage illumina, l’espace d’un instant, leur échange lui permettant de capter à la volée le brun sombre de son regard et les gouttes qui perlaient le long de ses joues.

Elle était terrifiée, certes, mais pas au point de brutaliser plus longtemps un homme de foi. Même si ses dieux, à elle, l’avaient abandonné depuis longtemps, la nymphe respectait – ou plutôt, enviait – ceux encore assez naïf pour y croire. Ses doigts endoloris par le froid se relâchèrent. Après une hésitation, elle le libéra enfin.

— Veuillez m’excuser…

Elle comprit que le cyclone venait d’avaler ses paroles à l’expression dubitative que lui servit l’inconnu. Alors, pour mieux se faire entendre, elle se pencha à son oreille et poussa sur sa voix.

— Veuillez m’excusez. Reprit-elle en essayant de couvrir l’enfer qui se déchainait sur eux. Vous m’avez fait peur.

La foudre s’abattit, trop proche. La créature frémit violemment. Elle s’agrippa à la manche du prêtre dans son mouvement de frayeur. Le grondement sourd la mettait au supplice et elle lui sembla percevoir la même crainte chez l’individu auquel elle se raccrochait désespérément. Elle tourna vivement la tête vers lui, rencontra de nouveau son regard interrogateur puis se repoussa soudainement de son buste, regrettant un geste qu’elle n’avait pu retenir dans la panique. Jugeant que rester dehors n’apporterai rien de bon, elle ne demanda pas plus d’explication et se dépêcha de tourner les talons. Elle n’avait plus le choix. Elle devait lui faire confiance.

— Nous ne devrions pas rester là.

Sans attendre, elle traversa la rue et poussa les portes lourdes de l’église. Un grincement retentit en écho dans l’édifice. La femme avança doucement entre les colonnes, à la fois craintive et fascinée par les détails du lieu de culte.

Les restes de pluie dégoulinaient le long de son corps, ruinant sur son passage chaque parcelle de peau. Elle dégagea sa cape de ses épaules pour mieux observer l’intérieur, libérant une longue chevelure blonde qui s’écroula contre son dos.  Le clapotis de l’eau coulant sur le sol résonnait contre la voute de l’église. L’odeur de l’encens envahit soudainement ses poumons.

— Ce temps va finir par me tuer. souffla-t-elle en s’avançant sous la lumière vacillante des bougies.

Hippolyte s’essuya le front avec le dos de sa main. Les chandeliers projetaient sur elle leur faible chaleur, découpant sa silhouette suintante dans le clair-obscur de la nuit. Sa nuque était moite de sueur et quelques mèches folles venaient offenser ses lèvres. Elle entendit dans son dos l’homme pénétrer à son tour dans la bâtisse.
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