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des pivoines & des problèmes - [privé]

2 participants
Auguste
nuisible
Auguste


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le goût du danger
Ses cils battaient la mesure, isolée dans un coin de la vaste salle. Auguste l’avait repérée depuis l’autre bout de la piste de danse. Sa chevelure dégringolait jusque ses hanches et ses yeux de biche toisaient l’assemblée d’un air distant.

- Auguste ? Auguste, vous m’écoutez ?

Les supplications de l’aristocrate le rappelèrent à sa conversation. Il posa sur elle un regard éteint ne prenant même pas la peine de cacher sa lassitude. Quelle ennuyeuse bonne femme. pensa-t-il. Voilà quinze bonnes minutes que la baronne le retenait prisonnier d'un affreux échange de banalités. S'il ne fuyait pas vite, le majordome ne résisterait plus à l'envie de l'étriper.

Il repéra instinctivement Amaranthe au loin. Hélas, elle ne semblait pas motivée à venir le délivrer de son triste sort - elle même coincée dans une interminable séance de présentation. Sa mère l'exhibait comme à son habitude. Un exercice que l'ambassadrice maitrisait à la perfection. Cependant, lorsqu'on la connaissait on pouvait remarquer la légère crispation de ses sourcils contrariés et la tension presque imperceptible de ses épaules. Elle jetait des coups d'œil effarouchés par dessus son épaule à intervalles réguliers. Etranges mimiques que le majordome prit, dans un premier temps, pour de l'impatience.

- Vous dansez? finit par articuler la femme en face de lui, déjà exaspérée de se faire ignorer.
Il s'entendit prononcer un laconique: Certainement pas avec vous. Tranchant. Irréfutable. La choucroute vivante ouvrit si grand la bouche sous le choc que Auguste crut apercevoir ses amygdales. Ne lui laissant pas le temps de protester, il exécuta une habile révérence et fit volte face en pivotant sur ses talons.

- Veuillez m'excuser. reprit-il avec indifférence avant de s'éloigner, la plantant sur place.

Il gloussa dans sa fuite, amusé par les jurons étrangers que la baronne poussait dans son dos.

Les chandeliers déposaient sur l'argenterie de fragiles éclats. Leur lueur tamisée faisait scintiller les bijoux des dames. Elle accrochait les verres en cristal qui s'entrechoquaient dans un tintement délicieux. La maitresse de maison avait vu les choses en grand. Un millier de pivoines ornait les colonnes de la salle de réception laissant s'évader un délicat parfum de printemps. Tout ce faste avait été déployé pour impressionner les maitres d'armes et autres invités diplomatiques.

L'inconnue n'avait pas bougé. Toujours dissimulée dans son petit coin fleuri. Il s'approcha, lentement, sans la quitter des yeux et attrapa au passage un verre de champagne qui pétillait sur le plateau d'un domestique. Puis, avec sa discrétion naturelle, il se glissa dans son dos et se pencha à son oreille.

- Les festivités n'ont pas l'air à votre goût, madame. lui murmura t-il.

Il se redressa sans se départir de son sourire charmeur - satisfait de son effet de surprise.

- J'ai beau me demander, je n'arrive pas à trouver ce qui capte votre regard depuis le début de la soirée. Que fixez vous avec tant d'attention?
Lysandra Notturna
l'ancienne prêtresse
Lysandra Notturna


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des pivoines & des problèmes
elle les regardait tristement, ces pivoines si richement disposées, jardin de disgrâces et de faux-semblants

Le cliquetis des talons sur le sol lustré, l'effluve de son parfum qui flottait encore quelques instants avant de s’étouffer dans la foule, le courant d’air de son passage comme un fantôme. Ce n’était pas souvent que Lysandra graciait la noblesse de sa présence mais cette soirée là semblait être un événement bien trop important pour qu’elle ne fasse pas l’effort de venir. Et cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas mis les pieds dans un tel événement.

Quelques personnes la reconnurent dans la foule, certaines se contentèrent de lui faire signe tandis que d'autres vinrent la saluer en personne. Des connaissances, enfin plutôt des connaissances de son défunt mari qui n’était là que par pure politesse. Les yeux tendres de Lysandra se gardaient bien de montrer tout le dégoût qu’elle éprouvait à l’égard de leur pitié dégoulinante d’hypocrisie. Ce n’était pas de la bienveillance qui se cachait derrière leurs sourires désolés mais un dédain tout particulier. La pauvre petite chose, elle avait trouvé le courage de se présenter.

Oui ça fait longtemps et vous comment allez vous, tout va bien, à l’accoutumée, on fait aller et toutes ces banalités sans fins dont tous les partis aimeraient s’extirper.

Le discours de la jeune ambassadrice Van Der Guilt fut d’ailleurs le prétexte parfait pour s’évader, le brouhaha des discussions animées s’était calmé pour écouter la voix douce de la demoiselle exhibée comme un trophée par ses pairs. Elle aussi était une pauvre petite chose, devaient penser les autres. Aussitôt que sa voix acheva sa tirade que les instruments reprirent doucement avant d’enchaîner thèmes de valses et danses en tout genre. Ce n’était pas dans les projets de Lysandra de s'y adonner, elle ne se fit pas prier sur la piste et s'éclipsa comme une ombre sous un rayon de soleil.

De toute manière, qui aurait pu danser avec elle, un mari six pieds sous terre, une réputation d’endeuillée aux larmes qui ne séchaient pas. D’ancienne prêtresse immaculée que personne n’aurait osé souiller d’une main profane, comme un sacrilège.

Un verre de champagne à la main, elle s’installa dans un petit coin fleuri dont le parfum lui faisait oublier le mélange de toutes les odeurs des invités qui s'entremêlaient. Des pivoines blanches servaient de décoration ça et là, peut-être étaient-elles celles de la honte ? Il y avait bien d’autres couleurs, peut-être qu’il n’y avait aucun sens derrière si ce n’était leur beauté toute particulière. Elle réajusta d'une main ses gants de dentelle qui couvraient ses bras pratiquement jusqu’à ses épaules, observant la foule avant de se faire tirer de ses pensées.

Un chuchotement la fit frémir. Qui avait pu se risquer à troubler sa tranquillité pourtant si pieuse. Elle tourna la tête doucement, s’écartant d’un pas de l’inconnu qui s’était glissé derrière elle, découvrant son visage pâle, ses cheveux sombres et surtout les deux cornes qui surplombaient son crâne. En voilà un blasphème qui ferait fuser. Il n’y avait que lui pour se permettre une telle arrivée  en matière.

Les festivités n'ont pas l'air à votre goût, madame.
Ce serait mentir de dire que non. Elle lui offrit son regard le plus mélancolique. Elle avait appris à jouer la veuve éplorée à merveille, un soupir. Le majordome de la famille Van Der Guilt renchérit, s’interrogeant sur ce qui pouvait bien attirer son regard. Elle feignit de ne pas oser rencontrer le sien.

Eh bien… Cela fait si longtemps que je ne me suis pas présentée à ce genre de soirée que je me sens happée par tout ce qu’il se passe. Elle marqua une pause comme pour reprendre son souffle, qui ne serait pas intimidé dans cette situation. Mais je dois avouer que ces pivoines ont su captiver une partie de mon attention.

Ce qui sortait de sa bouche n’était pour une fois pas un mensonge. Elle se risqua à croiser ses yeux brièvement, l’air presque embarrassée, avant de reposer le sien sur la foule qui s’activait joyeusement sur la mélodie.

Vous me voyez bien surprise de votre question, je n’aurais pas pensé que ma présence puisse vous interloquer de quelque façon que ce soit, que me vaut l’honneur de votre compagnie alors que la fête bat pourtant son plein ?

Pourquoi le majordome avait-il choisi de lui adresser la parole, à elle parmi tous les invités ? Car de réputation, ce n’était certainement pas par pitié et encore moins par bonté d’âme.