Tout ce qui brille, tout ce qui dérange - Markus

Markus est matérialiste, il collectionne, il entasse et parfois il s’arrête et regarde avec nostalgie le petit trésor qu’il a accumulé.

Autour du cou de Markus, entre un collier de perles et une chaîne en faux or, il y a, accroché à une petite corde, un médaillon frappé d’un E. Erin, sa mère. Sur le médaillon, il y aurait pu avoir une autre lettre, gravée sur l’autre face. Mais voilà, Markus n’a pas de père.

Markus est né de la rage de sa mère, alors prostituée dans un bordel de Velskopole, fille de joie pour tout le monde sauf pour elle-même. Un peu d’argent contre un peu d’amour factice, c’était le marché pour lequel elle avait signé dans l’espoir d’un jour laisser tout ça derrière elle. Elle était jolie Erin, elle souriait même quand elle était fatiguée, elle donnait son corps même quand elle ne le sentait plus, les lèvres rouges, les bras tachetés de bleus. Elle s’agrippait à ses rêves comme elle s’agrippait à ses draps. Mais voilà, alors qu’elle touchait au but, après des années de bons et loyaux services, son patron, cupide et terrifié à l’idée qu’elle lui échappe, commença à réduire son maigre salaire et, par une nuit d’automne, le pactole de la jeune femme, gagné à la sueur de son front et au balancement de ses hanches, disparu sans explication.

Le coupable était tout trouvé mais intouchable. Erin n’avait plus d’argent et pas de preuves, plus rien sauf une haine inouïe. Le genre de colère qui fait trembler la voix et le sol sous nos pieds. Le genre qui aveugle, qui rend sourd, qui donne envie de tout détruire. Le genre de sentiment terrible qui crée les monstres.

Markus est né de la rage de sa mère et de son dégoût envers les hommes. Markus est né dans le froid mordant de l’hiver, dans la douleur et dans l’incompréhension, frêle petit démon issu d'émotions trop fortes et trop intenses. Markus a grandi dans le mépris, cornes, queue fourchue, peau violette, canines pointues et des grands yeux rouges qui voient très bien la manière dont certains le regardent. Markus a grandi dans la pauvreté, voleur précoce et forcé pour aider sa mère à joindre les deux bouts.

Markus a grandi au milieu des effluves trop fortes d’encens bas de gamme qui embaumaient jour et nuit le bordel dans lequel travaillait la seule femme de sa vie, déambulant dans les couloirs tamisés, témoin discret des vices du genre humain.

Markus est devenu un homme trop tôt, sans vraiment le vouloir et sans vraiment s’en rendre compte. Le dégoût qu’il voyait dans les regards dérobés s'estompant alors peu à peu, remplacé par la fascination un peu malsaine de ce qui est différent. Sentiment étrange et nouveau pour Markus. Il n’était pas vraiment apprécié mais il était désiré et finalement c’était peut-être mieux que rien, c’était peut-être tout ce qu’il allait jamais être.

A 17 ans, il quitta Velskopole, les larmes de sa mère trempant son manteau coloré. Partant comme il était arrivé, dans la douleur mais avec l’espoir que l’herbe soit plus verte ailleurs et les hivers moins froids.

Il erra de ville en ville sans plan précis et surtout sans autre talent que sa capacité à dérober des pièces et à faire rougir des gens. Il ne voulait pas finir comme sa mère, elle ne se le pardonnerait pas. Il monta pour la première fois sur un navire pirate un peu par hasard, suite à une annonce un peu fumeuse mais qui promettait trésors et aventures en récompense. En tant que pirate, il pouvait être tout ce qu’il voulait, extravagant, bruyant, voleur, charmeur, hypocrite et cornu, avoir tous les vices du monde, c’est pour ça qu’il est resté.